Le Maître et la marguerite. Simon McBurney. D'après Boulgakov.
Dans nos blogs, Claudialucia et moi-même présenteront les pièces vues ensemble lors du Festival d'Avignon. Si parfois le résumé des oeuvres s'avère identique, nos avis personnels peuvent diverger.
A l'acteur principal.
A la fin de la pièce, les acteurs se tournent en guise de remerciement vers la mur de la cour d' honneur du palais des papes qui fait face aux spectateurs . Le monument serait-il le metteur en scène de cette merveilleuse adaptation du Maître et de la Marguerite ? .
Souvent ce cadre austère et grandiose de la cour d'honneur n'a servi que de simple et prestigieux décor, un mur de scène à l'antique contre lequel résonnent encore les voix des comédiens. Les pierres ont gardé le souvenir des plus prestigieux : Jean Vilar, Gérard Philippe, Maria Casarès… Des metteurs en scène l'ont paré de dorures éclatantes, éclairé en nuances , ils ont tenté de faire du palais un complice, un allié, utilisant avec plus ou moins de bonheur les fenêtres où viennent s'accouder leurs acteurs, spectateurs de l'intrigue. Mais parfois l' ombre menaçante des tours écrase la mise en scène, alors les acteurs se débattent contre ce lieu magique, grandiose et implacable. Les mots se perdent dans la nuit des temps.
Avec Simon McBurney, la Cour d'honneur participe avec bonheur au spectacle, elle n'est plus décor mais actrice. Le metteur en scène donne toute sa grandeur, sa puissance au lieu. Sur la scène, sur les murs de calcaire surgit Moscou et ses hauts immeubles décrépis, le mur du Kremlin avec le portrait de Staline. Le bruit des bottes résonne, celles de l'armée rouge, des régiments de la Waffen SS, des GI's en Irak…Depuis des millénaires l'homme sème la mort, le mal, Satan et ses serviteurs regardent d'une fenêtre les candidats à l'enfer. Ils observent du haut des tours notre misérable monde pour qui les mots amour ou compassion n'existent pas. Pourtant ces mots ont le pouvoir de fissurer la demeure gigantesque de Méphisto,d'abattre les murs du palais des Papes qui s'écroulent avec fracas à nos pieds. Simon McBurnay nous fait pénétrer dans les entrailles du monument, cent fois plus grand que vous ne l'imaginiez. Une infinités de salles , de chapelles se cachent derrière la façade aveugle ? Le mur du palais n'est plus un mur de pierres , mais le monde qui s'embrase, un ciel sans limite envahi par la tourmente de neige, où chevauche l'amour de Marguerite et du Maître, l'écrivain soumis à la censure et à la dictature. L'amour et la puissance des mots font craquer les murailles et les murs des prisons. Pourtant sur scène les hommes se débattent, cherchent à survive dans leurs cages de lumière, entre un lit et une chaise, entre deux rails, des routes fléchées par des axes lumineux.
Pourtant les paroles d'amour proférées par Jésus ébranlent Ponce Pilate, elles résonnent dans ce haut lieu de la chrétienté. Une lueur d'espoir.
Splendide.
Voir l'avis de Claudialucia: c'est ici.