Simenon. Le chien jaune.
Le livre fut publié en 1931. C'est un des premiers romans de Simenon dans lequel apparaît le personnage de Maigret. Le commissaire est appelé à Concarneau pour une tentative de meurtre sur une personnalité locale, cette tentative d'assassinat marque le début d'une série de crimes, et chaque fois les témoins notent la présence d'un grand chien jaune. Ce chien devient le symbole de la peur qui s'empare des habitants de la ville, une panique qui va durer quatre jours. Maigret semble étranger à cette agitation, ce qui provoque la colère des autorités. Il ne veut pas se laisser emporter par des raisonnements logiques, il se méfie des déductions brillantes qui mènent à l'impasse, il ne part pas à la recherche d'indices irréfutables comme son jeune collègue qui mène l'enquête avec lui. La méthode de Maigret est intuitive, la pipe au coin des lèvres, il observe les individus autour de lui, il se met à leur place . Et la vérité apparaît: triste et médiocre .
La ville de Concarneau est un des personnages du roman, elle est là sous le brouillard et le crachin. Simenon croque avec justesse une société provinciale de l'entre-deux guerres avec une réelle sympathie pour les moins fortunés. Le chien jaune est devenu un des grands classiques de la littérature policière. A lire à relire.
Extrait. Les premières lignes du roman.
Vendredi 7 novembre. Concarneau est désert. L’horloge lumineuse de la vieille ville, qu’on aperçoit au-dessus des remparts, marque onze heures moins cinq.
C’est le plein de la marée et une tempête du sud-ouest fait s’entrechoquer les barques dans le port. Le vent s’engouffre dans les rues, où l’on voit parfois des bouts de papier filer à toute allure au ras du sol. Quai de l’Aiguillon, il n’y a pas une lumière. Tout est fermé. Tout le monde dort. Seules, les trois fenêtres de l’Hôtel de l’Amiral, à l’angle de la place et du quai, sont encore éclairées. Elles n’ont pas de volets mais, à travers les vitraux verdâtres, c’est à peine si on devine des silhouettes. Et ces gens attardés au café, le douanier de garde les envie, blotti dans sa guérite, à moins de cent mètres.
En face de lui, dans le bassin, un caboteur qui, l’après-midi, est venu se mettre à l’abri. Personne sur le pont. Les poulies grincent et un foc mal cargué claque au vent. Puis il y a le vacarme continu du ressac, un déclic à l’horloge, qui va sonner onze heures. La porte de l’Hôtel de l’Amiral s’ouvre. Un homme paraît, qui continue à parler un instant par l’entrebâillement à des gens restés à l’intérieur. La tempête le happe, agite les pans de son manteau, soulève son chapeau melon qu’il rattrape à temps et qu’il maintient sur sa tête tout en marchant.