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En effeuillant le chrysanthème..
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15 juillet 2012

Katie Mitchell. Les anneaux de saturne. D'après le roman de W.G.Sebald.

130142Dans nos blogs, Claudialucia et moi-même présenteront  les pièces vues ensemble lors du Festival d'Avignon. Si parfois  le résumé des oeuvres  s'avère identique,  nos avis personnels peuvent diverger.

 

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Les anneaux de Saturne, spectacle en allemand surtitré, donné au Gymnase Aubanel dans le cadre du festival IN a été mise en scène par Katie Mitchell. 

Le roman de W G Sebald a servi de base à cette adaptation. L'écrivain allemand y raconte son voyage en Angleterre, dans le comté de Suffolk. Ses pérégrinations  font resurgir le passé lié à la seconde guerre mondiale puisque c'est de là que partaient les avions qui bombardaient les villes allemandes et le présent, cette côte étant particulièrement menacée par la montée du niveau de la mer du Nord qui sape une partie des terres. Un voyage terriblement éprouvant.

Disons-le tout de suite, ce spectacle m'a particulièrement déçue. J'avais vu l'année dernière l'excellente mise en scène de Katie Mitchelle, Kristin, d'après la pièce de Strinberg, Mademoiselle Julie. Ce spectacle que j'avais énormément aimé montrait le point de vue de la servante de Julie, Kristin, dont le fiancé, Jean, a une liaison avec sa maîtresse. Voilà ce que j'en disais :

 

Katie Mitchell a décidé d'adapter la pièce de Strinberg en se plaçant  le regard et l'écoute de Christine, la cuisinière que  Jean le valet délaisse pour la fille de la maison, Julie.

     Sur un vaste écran est projeté un film qui adopte le point de vue de Christine. Le spectateur  est invité à partager  son drame profond et intime, à plonger dans un univers étouffant et angoissant digne de Bergman. Pas un cri, mais simplement une attitude, un geste, un regard suffisent à trahir le désespoir et la souffrance intérieure de Christine. Magie du cinéma, on lit tous les sentiments sur le visage de l'actrice  grâce aux gros plans, ce qui habituellement est pratiquement impossible à voir au théâtre, à moins d'occuper les premiers rangs.

    Mais sous l'écran, la pièce se joue, elle est filmée en direct. Jusqu'à cinq caméras en mouvement suivent les acteurs au plus près, captent leurs émotions. Le montage image s'effectue en direct avec une rigueur étonnante, tous les raccords sont exceptionnels d'une grande beauté : mouvements, gestes, regards…Ce montage nécessite plusieurs "Chistine" qui est alors doublée par d'autres actrices venant prêter, une partie de leur corps, leurs mains.

     Le mixage son est aussi réalisé en "live". Les quelques beaux dialogues sont enregistrés avec des niveaux sonores variables, parfois ils nous parviennent étouffés, perçus à travers une cloison ou le plancher de la chambre de Christine. En effet la perception des dialogues de Jean et Julie est subjective, nous entendons comme Christine en fonction de l'endroit où elle se trouve. Dans quelques scènes, apparaissent des voix off splendides, enregistrées par les comédiens présents sur la scène. La poignante musique originale pour violoncelle, jamais envahissante, de Paul Clark est interprétée devant nos yeux sur le plateau. Les bruitages sont réalisés aussi en direct. L'eau qui coule, le son des verres qui s'entrechoquent, le couteau qui s'enfonce dans un morceau de viande…tous ces simples bruits du quotidien  soulignent l'enfermement social  de Christine.

     Le décor est constitué de deux pièces fermées. L'une est censée être la chambre de la domestique, le spectateur dans la salle de théâtre ne voit pas l'intérieur, il ne le verra qu'à travers l'objectif d'une caméra présente dans la chambre. Christine, très prude, enlève son corsage à l'abri des regards ; nous partageons son domaine intime où sur un mur figure en bonne place un crucifix qui souligne le caractère très religieux du personnage. La seconde pièce est la cuisine, l'intérieur n'est visible pour le spectateur que par quelques fenêtres. C'est le lieu de travail de la cuisinière, toute irruption de Jean ou de Julie dans cet espace brise l'équilibre social et moral, brise les conventions. Un couloir relie la chambre et la cuisine. Sur ce sombre corridor s'ouvrent de nombreuses portes que Christine souvent ne fait qu'entrouvrir. A travers l'entrebâillement, elle observe, écoute… parce que dans les dialogues entre Julie et Jean se joue son destin. Deux cloisons mobiles transforment la disposition du décor, et permettent de donner l'impression d'une vaste demeure, l'illusion est telle que nous en arrivons à penser que les chambres sont situées à l'étage alors que tout le décor est de plein pied. La maison n'est pas un lieu clos, elle est  ouverte sur une grande rue animée, comme le montre des ombres de passants marchant devant les fenêtres. Une porte s'ouvre : des cris de joie de la fête de la Saint-Jean ou le chant d'un oiseau, la lumière du soleil pénètrent dans le lieu du drame en un terrible contrepoint.

Rarement le théâtre peut nous offrir un tel moment de bonheur, quand le plaisir de l'esprit rejoint le plaisir des sens.

 

Si je cite ce billet d'un spectacle passé, c'est pour mieux faire comprendre ma déception devant le spectacle présent.

Katie Mitchell emploie le même genre de dispositif, en arrière-plan derrière une porte qui s'ouvre et se ferme périodiquement un hôpital où est alité le voyageur-écrivain, rendu malade par son triste voyage. Une projection permet de le voir de près ainsi que le personnel-soignant qui l'entoure, le reste du temps l'utilisation par Katie Mitchell d'un film ancien, Patience de Grant Lee, est projeté sur les murs sales du gymnase. Il nous faut donc regarder ces images grises et peu lisibles pendant tout le spectacle (je sais bien que c'est pour nous montrer la tristesse du paysage mais l'intérêt reste limité.). Sur scène des acteurs réalisent le bruitage en direct, piétinements sur du sable ou de la paille, écoulement d'eau etc… Là encore l'intérêt s'épuise vite. Reste le texte lu par des comédiens et dont la traduction forcément réduite est projetée sur le mur au-dessus de la scène. Quand on ne connaît pas l'allemand, on se dit que l'on ferait bien mieux de découvrir le texte dans une traduction française, confortablement installé chez soi! 

J'ai trouvé que Katie Mitchell réalisait avec Les anneaux de Saturne une pâle copie de ce qu'elle avait fait l'année dernière avec Kristin où le bruitage se faisait certes devant le spectateur mais où, de plus, la pièce de théâtre était interprétée, filmée (et quel film!) et projetée devant nous! Le dispositif était non seulement ingénieux puisqu'il montrait différents niveaux de la maison mais se justifiait tant au plan de l'action (pour que Kristin puisse découvrir l'intrigue entre Julie et Jean) que de la psychologie du personnage de Kristin qui, jalouse, humiliée, blessée, épie tout ce qui se passe autour d'elle! Alors que là, le dispositif paraît gratuit. Certes le metteur en scène le justifie en disant : "Concrètement il n'y a pas d'histoires à raconter et pas vraiment de personnages présents… J'ai alors dû imaginer comment on voyage dans la tête du narrateur." . Mais l'effet reste peu convaincant et pauvre, on n'est loin du foisonnement d'idées, d'images, de couleurs de Kristin qui emportait le spectateur dans un tourbillon. Celui-ci ne savait plus où arrêter son regard, ayant toujours peur de manquer quelque chose de ce passionnant spectacle! Avec Les anneaux de Saturne, hélas, on a le temps de s'ennuyer!

 Remarque :  Dans Theatral magazine les critiques pensent que si Les anneaux de Saturne mis en scène par Katie Mitchel n'a pas atteint son but c'est parce que "cette sollicitation éclatée des sens mobilise excessivement le filtre cérébral au détriment du filtre émotionnel." Mais dans Kristin, la sollicitation des sens étaient encore plus importante et l'émotion était pourtant là! A mon avis,une mise en scène n'est pas une recette, elle ne convient pas pour tous les textes!

Katie Mitchell

Les anneaux de Saturne.

Festival IN. Gymnase Aubanel.

 

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Commentaires
P
Et alors ???? Not' cinoche, il revient quand ????
P
Bon, ben la critique du Monde dit la même chose ...
En effeuillant le chrysanthème..
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