Akira Kurosawa. Ran (Le Chaos) .1985.
Réponse à l'énigme N° 16:
ll s'agissait du film Ran adapté du Roi Lear de Shakespeare réalisé par Akira Kurosawa en 1985.
Les vainqueurs du jour: Aifelle, Pierrot Bâton, Eeguab, Jeneen, Nanou, Miriam, Celestine. Merci à Sybil pour sa participation.
Au XVI eme, dans le japon féodal le vieux seigneur Hiderota Ichimonji décide de se retirer et partager ses domaines entre ses trois fils. Les deux ainés , Taro et Jiro, acceptent sans hésitation . le fils cadet Saburo s'oppose au projet, il craint que ce partage entraîne l'anéantissement du clan . Il est alors banni pour avoir oser braver l'autorité paternelle. Mais la prévision de Saburo va se réaliser. L'épouse de Taro, Dame Kaedé dont la famille a été massacrée par le seigneur de la guerre Hidetora trouve avec ce partage le moyen d'assouvir sa vengeance, elle souhaite la fin du clan Ichimonji. Son souhait va se réaliser les héritiers d'Hiretora vont périr à la suite de sanglants combats fratricides. Impuissant, le vieux seigneur Hidetora mourra d'épuisement , à demi fou sur le corps sans vie de celui qu'il aurait du écouter, Saburo.
L'intrigue est assez fidèle à celle du du Roi Lear . Dans la tragédie de Shakespeare Lear a non trois garçons mais trois filles. Il lègue son pouvoir à ses filles ainées qui lui promettent un amour sans borne, et rejette la cadette qui n'affiche qu'un amour discret. Quand Lear est privé de son pouvoir, il se rend compte alors de la perfidie de ses deux aînées et trouve la soutien de la troisième qu'il avait déshérité. Kurosawa s'est aussi inspiré pour construire le personnage de Dame Kaedé de Shakespeare. Elle est en effet une transposition du personnage de Lady Macbeth, une incarnation du mal et du chaos, qui pousse son mari à assassiner Duncan, le roi d'Ecosse pour s'emparer de la couronne.
En adaptant Shakespeare, Kurosawa trouve dans les pièces du tragédien anglais un écho à ses propres angoisses, à ses propres interrogations. "Pourquoi les êtres humains cherchent-ils toujours ce qui les entraîne vers le malheur. Même s'ils savent qu'ils courent à la catastrophe, ils continuent." Kurosawa a une vision bien pessimiste de la nature humaine qu'il juge autodestructrice. Jeune il a assisté à la folie expansionniste de son pays, à la quasi destruction du Japon sous le regard des dieux impuissants. L'homme violent, vaniteux, massacre pour laisser une trace illusoire dans l'histoire. Le sang qu'il fait couler souille la beauté de la nature, de la terre et du ciel. Et les combats filmés par Kurosawa sont les prémices de l'enfer: " Ce que je déteste le plus au monde, c'est la guerre et la bataille…Si j'aimais la guerre et la bataille je n'en ferais pas des films." Alors Kurosawa nous projette à l'écran une séquence de combats ( magistralement filmée) sans le bruit des armes, des cris des bêtes et des hommes, seulement accompagnée par la musique tragique de Toru Takemitsu, qui accompagne les hommes dans leur stupide folie meurtrière. Tout le film est d'une extraordinaire beauté, pas uniquement sur le plan esthétique (chaque plan est un splendide tableau digne d'Eisenstein ) mais aussi et surtout parce que chaque plan est utile à la narration, parce que chaque plan dure le temps de la montée de l'émotion, parce que le montage rigoureux est au service de la richesse et de la puissance du propos. Du très grand cinéma, un pur chef d'oeuvre.
Anecdote:
Après la réalisation de Derzou Ouzala, Akirawa Kurosawa a préparé Ran (le Chaos) pendant plus de dix années, peaufinant chaque scène , chaque dialogue, dessinant et peignant chaque plan, réalisant un storybard qui est lui-même une oeuvre d'art. Le film cn'a pu voir le jour qu'avec le financement de capitaux étrangers en particulier grâce au producteur français aujourd'hui décédé, Serge Silberman, Sa société de production a aussi assuré la création du remarquable making of intitulé "A.K" par le réalisateur Chris Marker.