Will Eisner. Dropsie Avenue.
Dans ce magnifique roman graphique, Will Eisneir réalise la chronique de Dropsie Avenue, une rue du Bronx un des cinq quartiers de New York, à travers l'histoire de personnages hauts en couleur.
En 1870, le Bronx est encore un territoire agricole mis en culture par les colons hollandais. Puis la campagne va céder sa place à la ville. A travers le temps Anglais, Irlandais et Italiens vont se disputer le quartier d'une manière souvent violente. Les premiers occupants se considèrent intellectuellement supérieurs aux nouveaux immigrés. Quand arrivent les juifs chassés d'Europe par le nazisme, l'accueil des occupants du Bronx, toutes origines confondues, n'est guère enthousiaste. Avec l'arrivée des noirs et des latinos la paupérisation du Bronx s'accentue, et les tensions sociales s'aggravent. Quand un groupe ethnique devient majoritaire, il amène le départ d' une grande partie des populations installées antérieurement qui migrent vers de nouveaux quartiers. Le "melting pot" souvent si vanté par les américains est comme nous le montre Eisner en grande partie un leurre.
Tous les grands événements de l'histoire des Etats unis ont bien sûr eu des répercussions sur la vie des habitants du Bronx. Les deux guerres mondiales ont ravivé des tensions entre communautés. La guerre de Corée et surtout celle du Vietnam ont causé des traumatismes dans la population. Quartier populaire, le Bronx a toujours été un lieu de trafic privilégié: dans les années 20 les bootleggers tiennent le haut du pavé, soixante ans plus tard le trafic de la drogue a remplacé celui de l'alcool. La police est impuissante.
Le paysage urbain évolue au cours des temps car le Bronx est en perpétuelle métamorphose: les maisons disparaissent, cèdent la place à des immeubles qui eux aussi font place à d'autres constructions. La ville américaine est comme le cycle de la vie, en perpétuelle mutation, elle voit le jour, grandit, meurt,et renaît.
Will Eisner réalise un ouvrage foisonnant aux tonalités multiples: comiques, dramatiques ou tragiques, l'amour côtoie la haine. Eisner est un observateur sans complaisance, sans jugement, de l'âme humaine. Quel plaisir de parcourir les 170 pages de l'ouvrage, au dessin soigné à l'admirable mise en page. Un grand roman graphique.